L’avenir du paysage du journalisme d’investigation semble compromis par les contraintes de financement et de sécurité pour les journalistes. Cette pratique, pourtant reconnue comme essentielle à la démocratie, doit s’adapter aux nouvelles réalités du paysage médiatique et de la société pour survivre.
Par Ambre Calzat
Le journalisme d’investigation représente un investissement significatif, principalement en raison du temps et des ressources nécessaires pour mener à bien une enquête approfondie. Il implique souvent des semaines voire des mois de recherche intensive, de collecte d’informations, de vérification de faits et d’entrevues avec des sources diverses. Lors d’une conférence sur le journalisme d’investigation tenue dans le cadre du Festival international de journalisme de Pérouse, des experts ont souligné les défis majeurs auxquels est confrontée cette forme de journalisme. Dans ce cadre, Ron Nixon, vice-président de The Associated Press, souligne le rôle crucial de l’investigation dans la préservation de la transparence et de la responsabilité démocratique : « Elle est un pilier fondamental de la démocratie, en permettant aux individus de saisir le fonctionnement des mécanismes sociaux et en les incitant à promouvoir le changement en exposant les réalités souvent cachées. »
Cependant, le maintien de la pertinence du journalisme d’investigation est un défi majeur face aux menaces économiques, juridiques et physiques qui pèsent sur les journalistes. Ron Nixon le confirme : ces défis sont représentatifs des difficultés rencontrées par l’ensemble de l’industrie journalistique. Il pointe notamment du doigt la fragilité du modèle économique sur lequel repose l’économie des médias : « L’industrie de la presse s’est effondrée. Dans ce contexte, le financement du journalisme d’investigation est un problème majeur car c’est une pratique qui est très coûteuse. Nous essayons donc de redéfinir nos modèles économiques pour survivre. »
Les journalistes doivent se munir juridiquement
Parallèlement, les journalistes se trouvent confrontés à des menaces de plus en plus préoccupantes, avec une recrudescence d’actions en justice à leur encontre. Pour répondre à cette réalité, Elisabet Cantenys, directrice de l’ACOS Alliance, une coalition dédiée à la sécurité des journalistes, encourage ces derniers à se prémunir juridiquement. Selon elle, « cette démarche leur permettrait de prévenir de nouvelles restrictions ou législations pouvant entraver leur travail, tout en assurant une protection en cas de nécessité ». Elle souligne que « dans le cas où le pire surviendrait, il est impératif que les journalistes soient protégés ». Les risques physiques constituent également une réalité omniprésente pour les journalistes, notamment dans les reportages sur les conflits où le danger est constant. Pour combattre ces défis, Ron Nixon préconise une prise de conscience collective et des mesures de sécurité numérique renforcées, soulignant que ces menaces ne viennent pas uniquement de l’extérieur, mais peuvent aussi être internes.
« Maintenir la pression » sur les pouvoirs en place
Pour garantir la pérennité du journalisme d’investigation, Ron Nixon estime « nécessaire » de « maintenir la pression » sur les pouvoirs en place pour continuer de mettre en lumière les enjeux auxquels le journalisme est confronté. « Les médias doivent continuer à jouer leur rôle de quatrième pouvoir en tenant les gouvernements et les institutions responsables de leurs actes », ajoute-il. C’est dans cette optique que des initiatives telles que le Bureau d’Investigation, lancé en 2010, jouent un rôle crucial. Avec une équipe d’environ 40 journalistes d’investigation, cette initiative explore de nouvelles façons d’aborder les enquêtes, de trouver des voies de financement et de renforcer la sécurité des journalistes d’investigation.