Médias alternatifs : tous les mêmes ?

Mar 14, 2019 | Articles, Assises | 0 commentaires

Informer différemment, c’est le pari des médias alternatifs. Face aux critiques dirigées à l’encontre des journalistes, ces acteurs souhaitent se distinguer des médias traditionnels. Tout en affichant leur militantisme et leur rejet de toute neutralité. Plusieurs médias alternatifs étaient réunis mercredi 13 mars pour débattre lors des Assises internationales du journalisme de Tours.

 

Lilia Khelfaoui

Alternatif, militant, complémentaire ou participatif : il est difficile de caractériser ces médias qui se définissent eux-mêmes comme “pas pareils”. Qu’ils soient locaux ou nationaux, sur internet ou en version papier, ces acteurs partagent tous une volonté de se différencier des médias traditionnels.
“C’était révoltant de voir toujours les mêmes choses”, affirme Eloïse Lebourg, journaliste à Mediacoop, site d’investigation clermontois. Un refus de l’uniformisation des informations qui a poussé ces journalistes à travailler différemment. Mediacoop, Le Ravi, L’Âge de faire, Radio Campus : tous accordent une importance particulière au temps octroyé à la recherche d’informations et au contact avec les sources.

Parfois étiquetés de “slow media”, ils ne s’attachent que rarement à l’actualité chaude. Quand celle-ci est traitée, les angles choisis diffèrent largement de ceux entendus dans les médias mainstream.
“Pour donner de la voix aux sans-voix » atteste Eloïse Lebourg. Un rapport particulier avec les sources, mais aussi avec les lecteurs. Pour Lisa Giachino, rédactrice en chef du mensuel L’Âge de faire centré sur les initiatives solidaires et écologiques, l’implication des lecteurs est primordiale. Certains “créent même des points de vente, relaient le média auprès de leurs proches, et hébergent des journalistes”.

Alternatifs mais identiques ?

Si un média alternatif s’attache à établir une ligne éditoriale différente, il se distingue aussi souvent par son fonctionnement économique. Certains, comme l’Âge de faire ou Mediacoop, sont organisés en tant que sociétés coopératives et participatives (SCOP), quand d’autres, comme Radio Campus ou Le Ravi, sont des médias associatifs. Et la plupart d’entre eux proposent des ateliers d’éducation aux médias pour se financer.
S’ils affichent une volonté claire de se différencier, leurs discours semblent souvent se rejoindre, car construits en opposition aux médias traditionnels, voire sur la critique de ces derniers. Sébastien Boistel, journaliste au Ravi, précise : “Nous ne sommes pas un média populiste, mais un média critique”. Ce mensuel satirique provençal a la particularité de critiquer tout le monde, sans avoir peur de “fâcher ses propres lecteurs”, en attaquant par exemple la France Insoumise.

Une subjectivité assumée

Ces médias “pas pareils” partagent aussi leur rejet de toute objectivité journalistique. Ils abandonnent ainsi l’idée de neutralité et assument entièrement leur image de “médias du sensible”, selon les mots d’Emile Palmantier, coordinateur éditorial et médiatique à Radio Campus, le réseau de radios associatives d’initiatives étudiantes. Une subjectivité qui se transforme bien souvent en militantisme revendiqué. “On n’est pas pareil, on est militant, mais on est des professionnels. On travaille pour donner des faits et on vérifie ce qu’on dit”, tempère Eloïse Lebourg. Son site, Mediacoop, s’est d’ailleurs rallié à un groupe “anti-fa” pour lutter contre certains groupuscules néo-nazis. Une pratique peu commune du journalisme qu’un spectateur de la conférence aux Assises Internationales du Journalisme de Tours résume simplement : “Il y a autant de militantisme chez TF1 ou France 2 que dans les médias “pas pareils”, il faut assumer son point de vue.”