La réalité virtuelle, bientôt au service de la radio ?
Justine Guitton-Boussion
Le but du jeu est de transformer les auditeurs de la radio en véritables acteurs d’une chasse au trésors. A cet effet, des environnements panoramiques d’un lieu mayennais sont recréés à 360 degrés, en réalité virtuelle. Les auditeurs pourront alors aider l’animateur à trouver des indices et résoudre des énigmes en s’immergeant dans cet univers. Il est prévu que le jeu soit accessible depuis un smartphone et internet, et diffusé en direct à la radio.
C’est donc un projet multi-supports que la directrice de France Bleu Mayenne, Anne-Marie Amoros, veut engager. À travers Géo Mayenne, elle souhaite valoriser le territoire mayennais et ses acteurs. De plus, au-delà de l’objectif éducatif, ce projet peut selon elle permettre « d’expérimenter d’autres formes de narration, au-delà de l’image linéaire ». La réalité virtuelle pourrait donc devenir un appui de la radio traditionnelle que chacun connaît.
Le projet, incarné par un présentateur, s’apparente a priori davantage à de l’animation qu’à du journalisme. Cependant, Anne-Marie Amoros alerte : « Aujourd’hui, penser uniquement en termes de métier est dangereux. Les sources d’informations sont diverses et protéiformes. Les modes de narration sont très riches et prennent des formes qui se développent de jour en jour. La réalité virtuelle est une mise en perspective de l’information. » Géo Mayenne devrait donc être un moment radiophonique mêlant l’aspect ludique du jeu, avec un caractère informatif.
Un nouvel accès à l’information
Plusieurs projets didactiques en réalité virtuelle ont déjà vu le jour. Le premier du genre est le documentaire The Enemy, conçu par Karim Ben Khelifa, photojournaliste et ancien correspondant de guerre. Il permet au spectateur de s’immerger dans un reportage de guerre : il rencontre les différents acteurs du conflit, et il est ainsi censé forger sa propre opinion. Pour Anne-Marie Amoros, The Enemy est le parfait exemple de l’utilité pédagogique de la réalité virtuelle : « Pour avoir travaillé en zone de conflit, je peux dire que l’expérience de la guerre est difficilement traduisible. Je parle volontairement de traduction car le langage que nous utilisons quotidiennement n’est pas adapté. (…) Je pense que la réalité virtuelle va nous permettre d’accéder à une compréhension de cette information. »
La réalité virtuelle serait donc le moyen idéal pour s’amuser et s’informer à la fois. Et Anne-Marie Amoros l’assure, ce format n’est pas réservé aux jeunes : « Je pense que la réalité virtuelle s’adresse à tous à partir du moment où elle répond à une envie d’apprendre, de participer. Les termes « digital native » ou « milleniums » sont des freins que le management a créés pour séparer et catégoriser les gens. Ne pas être digital native ressemble à une sentence qui exclurait les créatifs, les indépendants, les curieux… L’agilité de chacun et l’appétit de prendre part au collectif sont bien supérieurs à ces catégorisations ».
Un avenir encore incertain
La directrice de France Bleu Mayenne réfute également l’existence d’une injonction à être le plus innovant possible pour les médias : « Je ne crois que l’innovation, puisqu’on l’appelle ainsi, soit un dictat. C’est une quête pour répondre aux citoyens, dans leur époque, avec les évolutions de celle-ci, dont notamment l’évolution culturelle ».
Anne-Marie Amoros est confiante quant à la réussite de ce projet, et espère que la réalité virtuelle va se développer rapidement dans le milieu radiophonique. Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France, voit un avenir certain pour la réalité virtuelle audio : le son 3D, le son binaural, le format multicanal 5.1, etc. En revanche, il n’a « aucune certitude » sur la réalité virtuelle vidéo pour la radio. Erwann Gaucher, directeur du numérique de France Inter, préfère quant à lui attendre avant de se prononcer : « Aujourd’hui, nous sommes plutôt dans une phase d’observation. Si la réalité virtuelle se développe dans les usages du public, notamment par l’achat réellement massif de casques ou de dispositifs de réalité virtuelle, nous serons alors en capacité de faire fructifier les leçons tirées des premiers essais déjà menés en la matière. Mais ce n’est pour l’instant pas le cas, et nous n’avons, pour le moment, pas d’autres projets en cours ». Le jeu Géo Mayenne est lui, toujours en phase de financement.