Le sport est un sujet populaire chez les jeunes. Selon le dernier rapport de l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP), 82 % des adolescents de 13 ou 14 ans font du sport au moins une fois par semaine. Cette thématique permet ainsi d’aborder plus facilement les principes fondamentaux de l’éducation aux médias et à l’information.
« On n’utilise pas assez le sport dans l’EMI (éducation aux médias et à l’information). Ça peut être une formidable entrée, surtout qu’aujourd’hui on peut s’appuyer sur les Jeux Olympiques. » a martelé Karen Prevost Sorbe lors de la conférence « Le journalisme de sport dans l’EMI » aux Assises du Journalisme à Tours, le 26 mars 2024. La référente académique EMI et coordonnatrice académique CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information) rappelle que l’étude de l’économie des médias est inscrite dans les programmes scolaires. « Les enseignants peuvent choisir d’aborder l’EMI sous l’angle du sport. »
Pour Karen Prevost Sorbe, faire de l’EMI à travers le sport, c’est travailler aux questions d’égalité sous toutes les formes : « Les valeurs du sport nous permettent d’essayer de combattre la question des stéréotypes et des clichés. » Le but est de faire d’eux des citoyens responsables. Pour y parvenir, il faut les captiver en leur proposant des méthodes d’apprentissage personnalisées. « Il faut partir des élèves, de leur vécu, de leur pratique, de ce qu’ils connaissent, de ce dont ils ont besoin. »
Assia Hamdi est journaliste et intervenante à La Chance, une prépa gratuite aux concours des écoles de journalisme. Avec une classe de 3ème du collège Albert Camus de Neuilly-Sur-Marne, elle a monté un projet d’EMI autour du plongeur britannique Gary Hunt, sur toute une année. « Je leur montre des unes de l’Equipe pour aborder des concepts qui peuvent paraître très compliqués grâce à des choses qu’ils voient tous les jours, comme les financements des médias. » Difficulté supplémentaire pour les élèves : s’exprimer en anglais. Ils ont dû faire un travail de traduction et se familiariser avec le vocabulaire du sport. « Pour eux, qu’un sportif de ce palmarès vienne dans leur classe, c’était impensable. Ils ne se rendaient pas compte de leurs capacités. Les élèves qui d’habitude sont perturbateurs deviennent partie prenante. »
Mieux financer et mieux encadrer
L’idée de co-construction est essentielle dans l’EMI. Pour Karen Prevost Sorbe, les ateliers doivent s’inscrire dans les enseignements, notamment pour que les journalistes soient accompagnés dans leur travail. Ce travail collaboratif est également un moyen de recréer un lien de confiance entre les journalistes et les enseignants. « Il y a des professeurs qui corrigent des copies pendant les ateliers, alors que ça leur permettrait de voir l’évolution des élèves et de voir qu’ils ont des choses intéressantes à dire » a déploré Romane Pellen lors de la conférence. Journaliste intervenante à La Chance, elle est également une ancienne bénéficiaire de la Prépa Égalité des Chances de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille.
Les difficultés à trouver des financements pour les projets et à motiver des journalistes à participer à des ateliers d’EMI sont toujours présentes. « Tous ces projets sont la preuve que ça marche. Il faut juste donner envie aux journalistes et leur proposer une rémunération. », s’enthousiasme Romane Pellen. Assia Hamdi est du même avis. En plus de devoir trouver un créneau libre dans les emplois du temps des élèves, elle doit également trouver des sportifs disponibles. « Trouver quelqu’un qui a grandi dans le coin, dans leur propre univers, c’est encore mieux. »
L’EMI dans les clubs de sport, c’est possible
L’EMI a son importance dans les établissements scolaires, mais elle doit également s’ouvrir aux clubs de sport. Damien Fleurot, rédacteur en chef adjoint de TF1 est président de l’association Lumières sur l’Info. « Pour faire de l’EMI, il n’y a pas forcément besoin de matériel, donc on a décidé d’aller chercher les jeunes ailleurs, sur le terrain. » a-t-il assuré lors de la conférence : “Les clubs de sport : un nouvel enjeu pour l’EMI ?” le 26 mars 2024. Faire de l’EMI dans les clubs permet de capter l’attention des jeunes qui sont en difficulté à l’école et qui ne s’intéressent pas à tout ce qui a un rapport avec le cadre scolaire. Le caractère non obligatoire des ateliers les rend plus attrayants. Le plus important reste l’encadrement. « C’est plus pertinent quand un journaliste intervient accompagné par un éducateur, parce que l’éducateur a les codes du sport et connaît l’histoire du club. »
Amar Sy, également présent à la conférence, est coordinateur socio-sportif de l’association Drop de Béton. Il identifie les profils qui ont besoin d’un accompagnement spécifique pour leur proposer des ateliers plus adaptés. « C’est très difficile de maintenir des élèves assis sur une chaise pendant 7h. Quand un jeune vient au club de sport, il est dans un état d’esprit ouvert et positif. » Il suit un groupe de jeunes filles de 16 à 25 ans en décrochage scolaire : « Je leur parle de choses auxquelles elles sont confrontées au quotidien. » Il leur apprend à avoir un regard critique sur les productions journalistiques, en vérifiant et recoupant les sources. « Ces filles ont souvent des idées reçues sur les journalistes. Comme tous les jeunes, elles sont exposées aux dangers du virtuel. Notre rôle est de les protéger en leur donnant les clés. »
Nahéma ROUX
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Elisa Lenglart–Leconte