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Mar 14, 2019 | Articles, Assises | 0 commentaires

Titres courts, chocs, qui contiennent des mots-clés : le référencement sur les moteurs de recherche et le fonctionnement des réseaux sociaux influencent la manière dont les titres d’articles sont écrits sur le web. Un type d’écriture critiqué qui peut permettre d’attirer les lecteurs, mais qui n’est pas toujours choisi par les médias.

Séverine Grandadam

Un titre d’article, c’est la première chose qu’on lit. C’est ce qui attire l’attention du lecteur et l’incite à lire la suite. C’est donc un point particulièrement travaillé par le journaliste, indépendamment du support sur lequel l’article sera publié. Selon Loïc Ballarini, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication et responsable du master journalisme et médias numériques de l’Université de Lorraine, « sur internet, ce qui change c’est qu’il faut écrire en pensant à la fois aux lecteurs et aux moteurs de recherche ». Et parfois également aux réseaux sociaux, pourrait-on ajouter, puisque 71% des 15-34 ans s’informent  principalement par ce biais, selon une étude Médiamétrie de juillet 2018.  Ces nouvelles pratiques qui « bousculent les journalistes dans leurs habitudes », selon Loïc Ballarini, leur valent parfois des critiques. Si les titres ont toujours eu une fonction commerciale, sur le web ils sont parfois jugés trop incitatifs voire racoleurs, autrement dit « clickbait ». Un aspect de l’écriture journalistique qui mérite qu’on s’y attarde alors que la critique des médias est au cœur des discussions aux Assises du journalisme qui se déroulent à Tours, jusqu’à vendredi.  Myriam Haegel, alias Mymy, journaliste au magazine en ligne madmoizelle.com, répond à ces critiques dans un article publié en janvier dernier,  elle compare deux titres qui auraient pu correspondre au même article : « Un accord entre producteurs et diffuseurs chez France Télévisions » et « Pourquoi Dix pour cent ne sera plus sur Netflix » et explique que « l’information est la même », qu’il n’y a pas de mensonge mais qu’elle préfère le second, plus accrocheur car elle « n’écrit pas pour ne pas être lue ». Elle ajoute : « Il est de ma responsabilité, et de celle de toute la rédac’, que les articles soient le mieux mis en valeur possible. Qu’ils aient le maximum de chances d’être lus. »

« Ce sont les titres factuels qui marchent »

Et le titre qui a le plus de chances d’être lu, c’est celui qui attirera le plus l’attention sur les réseaux sociaux ou qui sera le mieux référencé sur les moteurs de recherche. Google représente environ 90% des recherches effectuées en ligne dans le monde et constitue une porte d’entrée incontournable vers les contenus médiatiques. Le géant américain, en situation hégémonique sur le web, peut se permettre de prodiguer des conseils aux journalistes. Vincent Coquaz, journaliste à Libération, l’explique dès 2013 dans un article pour Arrêt sur image, intitulé « presse web : un rédacteur en chef nommé Google » . Il explique : « les titres feront environ 70 caractères, comporteront les mots-clés principaux de l’article, et étrangement, intègreront des signes de ponctuation, si possible les deux points. ». En cela, la manière d’écrire les titres dans certaines rédactions peut être radicalement transformée. Les titres de L’Equipe ou Libération, par exemple avec des jeux de mots et des références culturelles, seraient très mal référencés sur Google. « Cela n’est pas transposable au web du fait de l’indexation des moteurs qui ne fonctionne pas avec des titres incitatifs. Ce sont les titres factuels qui marchent. Cela oriente vers un type de titres très informatifs. ». Des outils ont même été développés pour aider les rédacteurs à savoir si leurs productions seront bien référencées par Google, et ce avant publication. Outils dont les journalistes se sont emparés, à l’image de l’extension Wordpress Yoast SEO.

« On ne peut pas faire du clickbait »

Pourtant, malgré l’audience que cela peut apporter, certains médias décident de ne pas obéir aux règles de référencement et de ne pas faire de titres racoleurs. C’est le cas de Mediacoop, un média alternatif. « On ne pense pas du tout à ça. », affirme Eloïse Lebourg. « On est alternatifs sur ce plan-là aussi. », s’amuse la journaliste. Selon Loïc Ballarini, « on peut contourner ces logiques-là mais il faut assumer de ne pas avoir ces apports d’audience ». Pourtant, certains médias considèrent que ces pratiques pourraient faire fuir leur lectorat. Benjamin Peyrel, journaliste et co-fondateur de Mediacités, l’affirme : « On ne peut pas faire du clickbait. Nous faisons une promesse de sérieux à nos lecteurs, une promesse de rigueur. » Mediacités a choisi un modèle économique par abonnement qui lui permet de créer une communauté de lecteurs. Et Benjamin Peyrel de trancher : « C’est la qualité des enquêtes et les scoops qui font notre visibilité ».