Google se pose en sauveur du journalisme

Avr 5, 2019 | Articles, IJF19 | 0 commentaires

La presse connaît un déclin continu depuis 20 ans, quelles que soient les régions du globe. En cause ? L’arrivée du numérique qui a fait chuter le prix de la publicité, principale source de revenus de la profession. Dans cette tempête, Google veut se présenter comme un phare dans la nuit, bien que le groupe soit en partie responsable de la situation.

Guillaume Pavis

Au Festival international de journalisme de Pérouse, le logo du géant américain est autour de tous les cous. Et pour cause : c’est le principal sponsor de l’événement. Si les liens que l’entreprise entretient avec le milieu journalistique ne semblent pas aller de soi, on comprend bien vite que leurs destinées sont indissociables.

Vous avez dit philanthropie ?

« Nous pensons qu’il en va de notre responsabilité morale de venir en aide au journalisme. » Ces propos empreints de philantropie sont ceux de Brenda Salinas, responsable news partnerships de Google. La firme entend surtout asseoir son quasi-monopole sur les revenus publicitaires liés à l’industrie numérique. C’est ce qu’avoue à demi-mots Brenda Salinas : « Nous sommes en train de relancer l’industrie de l’information. La prochaine étape est de trouver des modèles de monétisation qui conviennent à nos partenaires, et qui demeurent profitables à Google. »

Concrètement, le mastodonte californien est à l’origine de centaines de projets, partenariats ou autres laboratoires innovants regroupés au sein de la « Google news initiative ». L’un d’eux, le « Digital News Innovation Fund »  consiste à distribuer prés de 100 millions d’euros d’aides aux rédactions de 29 pays européens.

Mais à qui profite la prime ? D’abord aux rédactions allemandes, anglaises et françaises, loin devant celles des pays d’Europe centrale. Et quel que soit le pays, ce sont les groupes de presse dominants qui captent l’essentiel des dotations. En France par exemple, on retrouve en tête de classement les journaux Le Monde et Le Parisien ou encore les groupes M6 et TF1, des rédactions qui bénéficient par ailleurs de larges subventions publiques.

La pieuvre Google

À la contribution purement financière, générant une dépendance croissante des rédactions vis-à-vis de Google, s’ajoute pléthore d’initiatives qui s’immiscent dans les moindres recoins du travail journalistique. Le géant de la Sillicon Valley apprend par exemple aux futurs ou actuels journalistes à produire des contenus « performants » suivant les critères de référencement du moteur de recherche, à des années lumières des préoccupations inscrites dans la charte de Munich.

Le système Google dispose de nombreuses ramifications. La plus connue d’entre elle est bien entendu Google Search , avec sa déclinaison médiatique Google News qui constitue une source croissante de trafic pour nombre de sites d’information. A travers sa plateforme YouTube, ensuite, la firme dispose d’une certaine hégémonie dans l’hébergement de contenus vidéo, informatifs ou non. Sur le terrain des mesures d’audience, beaucoup d’entreprises de presse utilisent la palette d’outils fournie par l’américain, à l’instar de Google Analytics qui met à leur disposition des statistiques sur la fréquentation de leurs pages. Les internautes peuvent par ailleurs s’abonner aux sites de leur choix via l’onglet « Subscribe with Google ». Le principe ? Un identifiant unique collectant l’itinéraire média des internautes, le tout transitant par les services de Google, avec l’assentiment des médias partenaires pour cette vaste collecte de données.

Les frontières de l’empire Google ne cessent de s’étendre. Depuis 2016, le groupe a mis en place une méthode de création de pages Web nommée Accelerated mobile pages (AMP). Le but de cet outil est d’offrir un affichage plus fluide des pages Web consultées sur mobile. Actuellement utilisé par des centaines de sites européens et américains tels que CNN, ABC ou The Washington Post, le système AMP instille tranquillement un internet à deux vitesses. D’un côté les sites utilisant AMP sont « certifiés Google », donc plus rapides. De l’autre, de sites plus lents sur mobile et souvent moins bien référencés, auxquels les internautes auront plus difficilement accès.