IA et journalisme sportif, comment ça marche ?
Ce n’est pas un mystère : le journalisme est en pleine mutation. Face aux nouvelles technologies dont l’intelligence artificielle, le journalisme sportif en fait déjà la pleine expérience.
Laurie Veyrier
L’une des choses que l’on retiendra de l’édition 2019 du Festival international du journalisme de Pérouse, c’est que les rédactions du monde entier ont compris l’importance grandissante des nouvelles technologies : intelligence artificielle, réalité virtuelle, podcast, près d’une vingtaine des conférences traitaient de ces noms un peu barbares mais bien ancrés dans nos quotidiens. Parmi eux, l’intelligence artificielle se développe rapidement, notamment dans le sport.
Les robots pour aider les journalistes sportifs ?
Dans les rédactions sportives, les nouvelles technologies ont déjà révolutionné le quotidien des journalistes sans que l’on s’en rende compte. L’intelligence artificielle et un certain nombre d’algorithmes sont présents tous les jours sur les sites sportifs. L’objectif ? Aider le journaliste dans sa tâche en le délestant des éléments « répétitifs » : « ça existe déjà, prévient Guido Baumhauer, directeur de la publication au journal allemand Deutsche Welle. Les journalistes n’ont plus à passer leur temps à taper les résultats en direct pour les diffuser. Cela se fait automatiquement désormais ». Même constat pour Eduardo Suarez, co-fondateur de Politibot, un robot permettant de donner des statistiques : « Personnellement, je suis supporter du Real Madrid. Je suis abonné à un bot qui permet de me donner les résultats, les chiffres ». A travers la récolte de données statistiques, les robots ont d’ores et déjà commencé à « aider les humains » dans leur travail. Mais pas seulement.
Les générateurs de texte ont la cote
Chez les grands médias généralistes, la tendance est également aux articles entièrement rédigés par ces robots intelligents : « En sport, cela concerne les résultats sportifs et les comptes rendus de matches, détaille Chris Collins, rédacteur en chef du journal Bloomberg. C’est ce qu’on appelle des évènements répétitifs. Généralement, cela implique des datas. » Grâce aux données chiffrées, les robots sont donc en mesure de générer des résultats mais également de créer un réel article complet et plus vrai que nature, rendant compte de la rencontre jouée.
En France, le générateur Syllabs est utilisé par Le Monde ou France Télévisions pour ses compte-rendus sportifs. Dans un article publié par Challenges début avril, la journaliste Laure Croiset expliquait un compte-rendu type : « Un paragraphe sera consacré au vainqueur, un autre sur les buts, le troisième sur les statistiques, et un dernier sur la position respective des deux équipes dans le classement du championnat concerné. » Chacun de ces paragraphes est donc généré par l’étude des données chiffrées : le score, le nombre de buts marqués et le classement. Pas de signature de journaliste évidemment, mais la mention « France TV sport avec Syllabs » inscrite en bas de l’écran. La structure du compte-rendu reste globalement la même (compte-rendu, prochains matches, feuille de match), faisant la part belle aux statistiques. C’est également l’analyse réalisée par un journaliste de la BBC en 2015. Dans un article intitulé « Robot-journalism : How a computer describes a sport match (Journalisme-Robot : comment un ordinateur décrit un match), Stephen Beckett proposait à ses lecteurs de rencontrer « les robots journalistes qui un jour pourraient voler [son] travail ». Il y décrivait la façon dont un programme américain rendait compte d’une rencontre, en la comparant au travail de ses confrères. Sans surprise, plus de statistiques, et moins d’affect.
Quatre ans après, les robots n’ont pour l’instant toujours pas remplacé les humains. Et la différence se fait assez aisément entre une analyse détaillée de journaliste et un générateur de texte. Mais l’ordinateur peut « l’imiter », remarque Esther Pianagua, journaliste freelance et conductrice de la conférence « IA in the Newsrooms ». Imiter le journaliste, lui venir en aide sans pour autant le remplacer, telle est la devise de l’intelligence artificielle, aujourd’hui utilisée dans diverses langues et sports comme aux États-Unis depuis 2017, dans le Washington Post, pour des comptes-rendus de matches universitaires. Mais pour combien de temps encore ?