Wanted TV : parler autrement des banlieues
Les quartiers populaires sont souvent traités comme un terrain à part entière sur lequel il est dangereux de s’aventurer par les médias dominants. C’est aux 11emes Assises du Journalisme de Tours, lors d’un atelier sur la « maltraitance médiatique » des banlieues, que le projet Wanted TV a été présenté par Elodie Hervé. Leur fil rouge : faire des quartiers un terrain journalistique comme les autres.
Charlotte Machado
« Tout le monde essaie de plaquer des fantasmes sur la banlieue », souligne Ariane Chemin, grande reporter au Monde et co-auteure de La Communauté. Les quartiers populaires subissent une maltraitance médiatique depuis des années et le constat fait lors des émeutes en 2005 n’a rien changé à la situation. Entre clichés et réalité, la banlieue est traitée comme un terrain à part entière dans lequel le temps est rarement pris d’installer une relation de confiance.
Elodie Hervé diplômée de l’ESJ Lille, est journaliste résidente à l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT). Elle met à profit ses compétences en télévision pour « aider des jeunes à sortir de leur quartier». Originaire de Marseille, elle a souvent parlé des banlieues, et aujourd’hui elle a envie de mettre en valeur ce territoire. « La plupart du temps on leur dit (aux jeunes) ‘vous servez à rien, vous êtes nuls’ et nous leur prouvons que c’est faux », explique Elodie.
Le web est une évidence pour la jeune femme : « ça va apporter beaucoup de choses aux banlieues. La liberté sur ce support c’est le temps. Les reportages d’ 1 minute15 à la télé, c’est ce qu’il y a de plus mauvais pour les quartiers ». En effet le web permet de s’exprimer sur tous les supports : audio, vidéo, écrit, et il offre aussi un espace infini ce qui permet de rendre compte de la complexité des choses. « On peut prendre le temps d’aller rencontrer des gens et c’est ce qui fait du bien aux personnes discriminées dans les médias », témoigne Elodie.
Une aventure humaine avant tout
Wanted TV est composé de 15 jeunes gens, tous issus des quartiers populaires de Tours, principalement du Sanitas des barres HLM qui se situent juste derrière la gare de la ville. En collaboration avec l’EPJT et Pepiang Toufdy, directeur artistique de la maison de production Prod’Cité, Elodie Hervé a laissé des caméras à ces jeunes pour qu’ils « racontent avec leurs yeux le lieu dans lequel ils habitent », et pour cela on leur donne 52 minutes.
Pour ce faire, une relation de confiance a dû être établie pour ne pas reproduire les erreurs reprochées aux médias dominants. C’est en passant par les associations du quartier et les missions locales qu’elle s’est construite. « Au début on avait 23 participants qui avaient entre 14 et 37 ans, puis certains se sont détachés du projet», explique Elodie.
Parmi ceux qui prennent par au projet, Emiliano, âgé de 21 ans. Il rêve de travailler dans l’aide à la personne. « Je suis au chômage et si je n’avais pas participé à ce projet et bien je serais resté chez moi à rien faire » dit-il timidement. Ce jeune homme brun au sourire communicatif explique qu’il n’a jamais voulu être journaliste, mais que cette aventure lui a beaucoup apporté. « Avant je croyais que les journalistes n’allaient plus sur le terrain et qu’ils faisaient ce métier pour être connus. Grace à cette expérience je sais comment ça fonctionne et j’ai une autre vision du journalisme», raconte Emiliano un peu gêné. Son sujet : comment faire du sport dans son quartier quand on est en fauteuil roulant. « Je trouve qu’il y a beaucoup d’inégalités envers les handicapés et c’est pour cela que j’ai voulu travailler là-dessus », raconte-t-il.
Au contraire d’Emiliano, Radwan la vingtaine, rêve d’être journaliste. Originaire du Soudan, il est arrivé en France il y a un an et demi. A Tours, il suit une formation linguistique à l’Université et souhaite intégrer une école de journalisme : « l’EPJT j’espère », dit-il avec des étoiles dans les yeux. Pour son reportage, il a décidé « de travailler sur la langue parce que comme on peut l’entendre, je ne parle pas très bien le français et je sais que je ne suis pas le seul, alors j’ai voulu comprendre comment les étrangers communiquent lorsqu’ils arrivent ici » explique-t-il.
En très peu de temps, les 15 participants ont appris à tourner, monter et réaliser des interviews, et ce sans aucune formation autre que le terrain. «Le plus dur moi c’est le montage, comme on apprend tout sur le moment, on prend beaucoup de temps, parfois on met trois heures pour monter une séquence de 40 secondes », témoigne Emiliano. La consécration pour eux : la diffusion de leur documentaire sur TéléTours et surtout de poursuivre ce projet l’année prochaine.