La crise climatique est un changement hors normes et les journalistes spécialisés sur les questions de climat ont un rôle à jouer dans la sensibilisation du public. Comme évoqué lors d’une conférence du Festival international de journalisme à Pérouse, une partie de la population continue à être climatosceptique et les rédactions sont obligées d’être attentives pour combattre la désinformation.
Selon un rapport de l’Observatoire international Climat et Opinions Publiques, en 2023, 36% de la population mondiale est climatosceptique, un chiffre qui stagne plus qu’il ne régresse. Une nouvelle tendance semble émerger, celle de considérer que le changement climatique résulte de la nature et non de l’activité humaine. Cette dérésponsabilisation semble être pour une partie des citoyens un mécanisme pour relativiser la gravité de la situation. « Une fois j’ai eu affaire à une personne qui ne croyait pas au changement climatique. En creusant je me suis rendue compte que cette personne était mal informée mais aussi qu’elle avait peur. Je lui ai parlé avec une certaine empathie et via ce biais on arrive à éviter le conflit et à la convaincre », témoigne Florencia Ballarino, rédactrice en chef de Chequeado, premier média d’Argentine et d’Amérique latine dédié au fact-checking. Ces derniers ont à cœur de lier le changement climatique avec les sciences sociales, les relations humaines et l’incidence que ce changement a sur leur vie de tous les jours. C’est ce qui explique leur ligne éditoriale basée sur le journalisme participatif. Près de la moitié de leurs articles de fact-checking proviennent de leur communauté qui ont des doutes sur des informations qu’ils consultent. « En Argentine je pense que la part des climatosceptiques est minoritaire. Une plus grande partie a des doutes sur les résultats et les analyses scientifiques. Et pour ces personnes ce n’est pas complètement perdu, on peut encore faire en sorte que ces personnes croient au changement climatique via le fact-checking », remarque Florencia Ballarino.
Derrière la désinformation, des intérêts politiques et économiques
« Il y a beaucoup de désinformation et de théories conspirationnistes sur les réseaux sociaux que ce soit par des personnes lambdas ou bien des groupes privés qui ont des intérêts à tromper », analyse la rédactrice en chef. Lors de la conférence, cette dernière évoque un article de la Nacion, quotidien conservateur argentin qui, s’appuyant sur une étude de la Nasa, prétendait démontrer que l’élevage en Argentine ne polluait pas l’environnement. Une fausse information sur laquelle Chequeado a enquêté. En remontant à la dite source, il a constaté qu’une étude de la Nasa parlait effectivement des émissions carbone mais ne faisait aucune mention du méthane rejeté par les vaches.
L’information venait en fait d’un communiqué de presse de l’Institut promotionnel de la viande bovine d’Argentine (IPCVA), un organisme semi-public. À la suite de cette découverte, le journal a corrigé sa publication en ajoutant les informations de l’enquête de Chequeado, tout en laissant l’explication, bien que trompeuse, de l’IPCVA.
X : un vivier de désinformation climatique
Selon une étude du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), s’appuyant sur une collecte de données de X, 30% des comptes qui abordent la question climatique nient la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. Ce mouvement est celui du dénialisme, qui choisit de nier le consensus scientifique sur le climat, sans justification rationnelle. Pour occuper l’espace, ils suivent la stratégie de l’astrosurfing qui consiste à faire croire en l’adhésion d’une foule à une cause, par la création d’une foule factice où chaque membre de la communauté repartage les contenus produits. Elle est opérée à la fois par des humains et des robots. Et depuis le rachat de la firme par Elon Musk, le phénomène s’est accéléré suite à la mise à pied d’une grande partie des modérateurs. L’étude remarque que, sur X, la communauté dénialiste produit ou relaie 3,5 fois plus de messages toxiques. Aussi, ils utilisent trois fois plus de robots que les autres, pour harceler les utilisateurs qui sont en désaccord avec eux. « Lorsque les personnes en ligne t’insultent, la meilleure solution est de ne pas leur répondre. Car la plupart du temps ce qu’elles cherchent, c’est le conflit », conclut Florencia Ballarino.