Un tiers de la profession agricole aura pris sa retraite d’ici 2030, selon les estimations du ministère de l’Agriculture. Il s’agit d’un horizon préoccupant au regard des défis auxquels font face les agriculteurs aujourd’hui. En Isère, certains jeunes continuent de croire en leur terre, alors ils en reprennent les rênes.   

À Lans-en-Vercors, à un peu plus de 1000 mètres d’altitude, la Ferme de la Grand’Mèche est présente dans le paysage isérois depuis quatre générations. Pauline Guillot, 24 ans, fait partie de ces jeunes qui perpétuent une tradition familiale. Elle a repris la ferme de son père depuis le 1er janvier 2025. 

Depuis que Pauline Guillot est petite, il s’agit d’une évidence : “J’ai fait mes quatre ans d’études agricoles à La-Motte-Servolex dans le but de reprendre la ferme”. L’objectif est atteint. Aujourd’hui, elle encadre quatre salariés, s’occupe de 35 vaches laitières, et produit notamment du bleu du Vercors-Sassenage AOP.  

La jeune agricultrice remarque une dynamique locale encourageante : « Cette année, sur le plateau du Vercors, on est sept jeunes à avoir repris une exploitation ou à s’être installés avec nos parents.» Lorsqu’une transmission est envisagée, le cadre familial reste largement favorisé : 77 % des exploitants de plus de 60 ans privilégient un membre de la famille contre seulement 23 % en dehors, selon le rapport 2022 du CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) sur les structures d’accompagnement à l’installation agricole.

Et pourtant, dans les lycées agricoles, seuls 15 à 20 % des élèves viennent de familles d’agriculteurs. Pour encourager ces vocations, des aides sont mises en place, comme la Dotation Jeune Agriculteur (DJA), destinée à soutenir la première installation. Cette aide est financée par l’Union Européenne via le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) et par la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Une vision nouvelle du métier

Face aux mutations, la profession agricole doit évoluer pour perdurer. Pauline Guillot en est convaincue : les jeunes agriculteurs n’ont plus le même rapport au travail que leurs aînés. Si elle se lève toujours à 5 heures du matin et termine sa journée vers 18 heures. La jeune femme insiste sur le fait de ne plus “se tuer à la tâche” comme la génération de son père, et précise s’accorder “des congés et des vacances”. 

Les jeunes agriculteurs doivent également s’adapter au réchauffement climatique, un problème auquel leurs prédécesseurs étaient moins confrontés. Pauline Guillot l’observe : “Aujourd’hui les vaches sont déjà dehors, mais il y a deux ou trois ans à la même époque, elles étaient rentrées à cause de la neige.” Durant l’année 2024, quinze journées techniques ont été organisées par le département de l’Isère sur l’adaptation des systèmes fourragers des élevages ruminants face au changement climatique.

Faire découvrir pour mieux comprendre

Pauline Guillot a fait le choix du circuit court, en pratiquant uniquement la vente directe, ce qui renforce la relation de confiance avec sa clientèle, venue notamment de Grenoble ou de Lyon. Pour susciter des vocations et reconnecter les citoyens à l’agriculture, la pédagogie est essentielle. À la ferme de la Grand’Mèche, des visites scolaires sont régulièrement organisées, et chacun peut assister à la traite des vaches à partir de 16h30. Pourtant, lors du dernier Salon de l’Agriculture, Pauline relate la méconnaissance du public citadin à ce sujet : “J’ai entendu dire que les vaches marrons faisaient du lait au chocolat ou encore que les vaches à cornes étaient forcément des taureaux.”

Les jeunes agriculteurs sont moins nombreux que l’ancienne génération. La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, promulguée le 24 mars dernier, prévoit une formation accélérée pour former 50 000 professionnels chargés d’accompagner les agriculteurs actuels et futurs. 

Léa Buelens, Anna Baron, Amélie Carapito.

Légende: Pauline Guillot, 24 ans, est cheffe d’exploitation laitière à la ferme de la Grand’Mèche à Lans-en-Vercors, en Isère. Crédits Léa Buelens.