Une conférence sur les femmes journalistes de sport s’est tenue le 28 mars lors de la 17ème édition des assises du journalisme à Tours. Les intervenants (de gauche à droite) : Pierre Galy, Tiffany Henne, Azaïs Perronin, Sandy Montañola, Pauline Guillou. Crédits : Célia Merckens

Ces dernières années, la présence des femmes dans le journalisme a souvent été décrite comme étant en net progrès, avec une féminisation de la profession et une parité dans l’obtention de la carte de presse. Le journalisme sportif semble faire exception à la règle : inégalités dans les postes, violences sexuelles, sexisme en rédaction: les combats à mener sont encore nombreux pour les femmes dans le milieu du sport.

Si la parité continue de progresser concernant l’accès à la carte de presse – les femmes sont majoritaires à plus de 53 % dans les demandes d’attribution – le domaine du journalisme sportif semble échapper à ces récentes avancées. C’était le cœur du débat sur les femmes journalistes de sport, lors de la 17ème édition des assises du journalisme à Tours. Sandy Montañola, maîtresse de conférence à l’université Rennes 1 spécialiste des inégalités de genre dans le journalisme, l’assure: « le journalisme de sport n’a pas suivi cette féminisation. » Les chiffres l’attestent: on recense seulement 15 % de femmes dans les rédactions sportives selon l’UJSF, l’Union des journalistes de sport en France.

« On développe un très fort syndrome de l’imposteur »

Si les femmes sont si peu nombreuses, c’est d’abord parce qu’elles ne sont pas encouragées à se diriger vers le milieu du sport. « On développe un très fort syndrome de l’imposteur », explique Tiffany Henne, journaliste pigiste. Parfois, c’est aussi la peur d’arriver dans des milieux très masculins, où le sexisme est forcément présent. Pauline Guillou, pigiste et membre de l’association des femmes journalistes de sport, se rend régulièrement dans les locaux de l’Équipe, avec qui elle collabore. Elle relate: « au milieu des hommes, je me sens seule dans la rédaction ». Certaines journalistes en début de carrière ont de mauvais échos de la part de femmes déjà en place, ce qui ne les encourage pas à intégrer les rédactions sportives, développe Sandy Montañola, maîtresse de conférence à l’université Rennes 1. Autre fait significatif, « les travaux de recherches ont montré que plus le sport pèse médiatiquement, moins les femmes sont présentes ». Il y aurait donc des sports réservés aux hommes : plus nobles et plus diffusés, quand d’autres seraient laissés aux femmes.

Des inégalités dans l’attribution des postes

Même lorsque les femmes journalistes intègrent les rédactions sportives, le parcours du combattant ne fait que commencer et les inégalités se multiplient. Plus précisément, la recherche a montré que l’« on trouve plus de femmes pigistes ou à des postes précaires » dans le sport. On parle de « féminisation par le bas », précise Sandy Montañola. De manière symétrique, les postes à haute responsabilité sont largement réservés aux hommes : on compte moins de 20 % de femmes dans les postes de dirigeants. Des données qui prouvent nettement les défaillances d’un service encore très inégalitaire.

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« On a tenté de m’embrasser en duplex »

À ces inégalités de carrière et d’opportunités s’ajoutent parfois les violences sexistes et sexuelles. Tiffany Henne, journaliste pigiste, raconte l’ambiance délétère lorsqu’elle arrive sur un terrain de foot pour couvrir un match : « on a l’impression que notre présence est bizarre, on sent les regards insistants, on va même jusqu’à me dire « pourquoi t’es là ? » ». Ce rejet des femmes, au bord des terrains comme en conférence de presse, traduit le malaise de voir les femmes couvrir des domaines habituellement réservés aux hommes. 

Dans d’autres cas, le sexisme va même jusqu’au harcèlement ou à l’agression sexuelle. « On a tenté de m’embrasser en duplex, ou de me mettre la main aux fesses », raconte la journaliste. Et de poursuivre : « J’ai été harcelée quotidiennement par un de mes chefs, pendant quatre ou cinq ans. Il présupposait mon orientation sexuelle, m’a enfermée dans une pièce pour me faire avouer que j’aimais les femmes ». Des faits qui contrastent avec les satisfecits sur la féminisation de la profession: le journalisme sportif reste une sphère où le pouvoir est laissé aux hommes et où les femmes, minoritaires, le subissent.

Célia Merckens