Lors des Assises du Journalisme de Tours, le 27 mars 2024, le Palais des Congrès accueillait une conférence sur les émotions dans le commentaire sportif. Au programme, la place des femmes dans les rédactions de sport et le bilan de la parité dans la profession.
« Quand on est une femme, on a un devoir d’exemplarité. Une simple erreur peut être interprétée comme de l’incompétence », lance Maureen Lehoux, commentatrice de sport à RMC, pour débuter la discussion. Dans l’auditorium Descartes, le débat intitulé « Commentaires sportifs, un journalisme de l’émotion » réunit la journaliste et deux de ses confrères masculins, Alexandre Pasteur de France Télévisions et Gabriel Richalot du Monde, devant un public de professionnels et d’étudiants. Quelques minutes après le coup d’envoi de ce débat animé par Olivier Collet de Chérie FM Val de Loire, le sujet des femmes et de leur place dans les rédactions est mis sur la table par Maureen Lehoux.
Une salle, deux ambiances
Durant une heure, les trois commentateurs ont échangé leurs idées, leurs analyses et leurs expériences devant la centaine de personnes présentes dans l’assemblée. Une expérience qui n’est définitivement pas la même pour les hommes et les femmes.Selon Alexandre Pasteur: « Cela ne choque plus personne de voir une femme commenter du sport. » Alors que le journaliste se félicite de la parité observée dans les médias, Maureen Lehoux dément et rectifie, précisant que la parité n’est atteinte que chez les consultants. Chez les journalistes de sport, en effet, les inégalités persistent. Si la proportion d’hommes et de femmes dans la profession est relativement équilibrée, il en va tout autrement dans le sport. Alors que la carte d’identité des journalistes professionnels est attribuée à 17 431 hommes et 16 107 femmes, la chercheuse Sandy Montañola ne recense que 15% de femmes dans les effectifs des rédactions sportives, dans une étude publiée en 2022.
Durant l’échange, deux ambiances bien distinctes dans la salle. D’une part, Maureen Lehoux qui tente faire comprendre les obstacles rencontrés en tant que femme journaliste de sport quand le milieu largement masculin est historiquement empreint d’un machisme plus ou moins décomplexé. De l’autre, des hommes qui entretiennent cet entre-soi avec une certaine défiance quant aux faits énoncés par leur collègue, voire une condescendance visiblement autorisée par 30 ans de carrière. A quoi on peut ajouter une tendance nette à couper la parole de la consœur, en estimant plus judicieux de réagir à l’expression de son ressenti de femme journaliste que de l’écouter. En bref, malgré des propos plutôt éclairés et au fait des mécanismes mis en place pour lutter contre la discrimination, l’attitude de certains intervenants dénote des mentalités qui peinent à évoluer.
Un sexisme ordinaire
« Si ça s’était mal passé, elle serait partie directement après la conférence »:Interrogées à la suite de la conférence, les membres présents sur le stand de l’association des Femmes journalistes de sport (FJS) ne semblaient pas étonnées. Elles confient avoir l’habitude de propos bien plus discriminants et d’assemblées de journalistes bien moins acquises à la cause des femmes.
Pour elles, il s’agit peut-être de sexisme ordinaire, de remarques et d’attitudes qui ne les choquent plus, alors qu’elles évoluent dans un monde largement masculin. Ces réflexions, elles les ont entendues des dizaines de fois de la part de leurs collègues et « {elles} n’attendent plus qu’une chose : c’est qu’ils partent à la retraite. », la colère ayant fait place à une forme de résignation.
Une nouvelle vague
La colère ressentie par certaines étudiantes dans la salle montre une réalité nouvelle, qui prend de plus en plus de place. Dans les écoles de journalisme, les dernières générations et les jeunes diplômés sont en demande de formations et d’outils pour lutter face à ces discriminations dans le paysage médiatique. Cette envie de faire bouger les choses renvoie un message optimiste pour la lutte pour l’égalité hommes-femmes.
Justine Lyannaz