La culture frappée par la crise sanitaire : les magazines spécialisés s’adaptent
Gésiot Margot
Musées fermés, festivals annulés, concerts reportés,… La pandémie, empêchant les rassemblements, foudroie tous les lieux et événements habitués à recevoir du public. Les magazines culturels seraient ainsi impactés par ricochet, notamment en raison d’un manque de matière. Pourtant, ils tiennent le cap. Voici le cas de trois magazines français de régions différentes se réinventent chaque jour pour s’adapter à la crise.
Le monde de la culture continue de tourner ! Bonne nouvelle pour les magazines gravitant autour de ce vaste univers marqué par des confinements successifs. Les médias sont unanimes : même si les confinements entraînent de nombreuses annulations, les sujets d’articles ne manquent pas. « Une démarche de solidarité s’est créée entre les artistes et les magazines. Nous avons continué à parler de ceux qui arrivaient à pratiquer leur art malgré la crise sanitaire. Ceux qui ne le pouvaient pas, nous avons écrit sur leurs difficultés », explique Martin de Kérimel, rédacteur en chef du Petit Bulletin à Grenoble. Le plus problématique fut les confinements successifs, hors confinement la culture allait de bon train décrit le strasbourgeois Hervé Levy, rédacteur en chef du magazine Poly : « Entre les deux confinements, mis à part les festivals de musique, tout est reparti assez vite. Durant l’été 2020, l’actualité était très dense ». Même les agendas culturels, rubriques obligatoires des magazines spécialisés, n’ont eu aucun mal à se remplir. Le problème résidait surtout dans le délai séparant l’annonce d’un évènement dans l’agenda et sa tenue réelle. Zibeline, le magazine de la région marseillaise, s’adapte : « Notre magazine est mensuel. Nous annonçons toujours un mois à l’avance un événement. Plusieurs fois, nous avons présenté des concerts ou autres dans l’agenda qui ont été annulés une semaine après la publication papier. Mais nous avons trouvé une solution : à présent chaque agenda est accompagné de la mention « sous toute réserve », raconte la rédactrice en chef Dominique Marcon.
Un nouveau terrain de jeux : le web
Un autre élément a permis aux magazines de ne pas manquer de matière : les événements culturels en ligne. Après le premier confinement de mars 2020, Martin de Kérimel déclare que de nombreux artistes ont essayé d’investir le web : « Ils ont trouvé des nouvelles formes d’expressions dans le seul endroit encore accessible à tous : le monde numérique ». Il s’agit d’un terrain nouveau pour les journalistes des magazines culturels, habitués à aller sur le terrain. Si eux aussi se sont tournés vers le web, en plus de gagner en matière, c’est parce que cela leur a laissé l’opportunité de continuer à suivre les artistes régionaux dont ils relataient fréquemment l’actualité : « L’orchestre philharmonique de Strasbourg avait une actualité sur le web assez faible auparavant. Aujourd’hui, elle devient plus intense. Par exemple, j’ai été à un de leurs concerts réalisé à huis-clos, enregistré et diffusé en direct par Arte live. C’était la première fois que nous nous faisions l’écho de ça », raconte le rédacteur en chef de Poly.
Le magazine Zibeline a également suivi ce type d’événement. Il a par ailleurs lui-même investi le web en proposant une version PDF payante de ses éditions qui n’ont pas pu voir le jour en papier durant les confinements. Dominique Marcon explique : « Mettre le journal en PDF en ligne et en vente, c’était inédit pour nous. Le maquettiste a travaillé d’arrache-pied pour que cela ressemble à quelque chose. La grande surprise, c’était de voir que les ventes étaient effectives. Nous ne nous y attendions pas ! ».
Un retour à la normale très attendu par les journalistes
Pourtant, les évènements web ne sont pas destinés à devenir la matière première de ces magazines. Une réticence persiste et l’amour du terrain ne s’atténue pas. « Sur internet, ce n’est plus du spectacle vivant. C’est seulement en salle qu’il est possible de vivre pleinement l’expérience du théâtre, de la musique ou du cinéma. Voir un tableau dans un musée sera toujours préférable à une reproduction sur un ordinateur. Il n’y a pas la même émotion ! », insiste Hervé Lévy. La culture en ligne, moins passionnante que dans « la vraie vie », est un avis partagé par les trois rédacteurs en chef. Dominique Marcon ajoute : « Dès que le confinement sera terminé, les lieux culturels devraient reprendre leurs activités rapidement. Les spectacles diffusés sur internet, c’est seulement temporaire ! ». Le web, un nouveau terrain qui n’a donc pas su convaincre ces rédacteurs en quête d’émotions. « Ce qu’il se passe sur les écrans, nous le considérons comme une sorte d’excroissance de ce qu’il se passe dehors », précise Martin de Kérimel. La culture sur internet n’a pas vocation à devenir la matière préférée des magazines culturels qui souhaitent pouvoir, au plus vite, retourner en salles !