Dans les médias, un front européen contre les fake-news
En mai 2019 se dérouleront les élections européennes. Au regard de la tournure des dernières campagnes électorales, journalistes, politiques et citoyens s’inquiètent d’une possible hausse de la diffusion de fake news pendant cette période. Des médias de différents pays européens s’engagent dans la bataille et s’organisent avec des plateformes collaboratives de fact-checking.
Thibault Barle
La campagne des élections européennes a débuté dans les 28 pays de l’Union. Médias et politiques préparent déjà la levée de bouclier face à une explosion éventuelle de la désinformation et aux possibles ingérences de pays étrangers. « La campagne des européennes sera une campagne des « fake news » (…) dans un contexte particulier de pression extérieure sur notre continent, entre Steve Banon et Vladimir Poutine. » soutenait Stanislas Guerini, délégué général de la République en marche en février dans Le Monde.
Des collaborations européennes
Pour contrer cette menace, certains médias s’organisent à l’échelle européenne. L’initiative Cross Check, financée par Google, se fonde sur un fact-checking collaboratif. Déjà mise en place en 2017 en France pour l’élection présidentielle, elle reprendra vie sous une nouvelle forme. Les rédactions de médias de différents pays travailleront ensemble pour vérifier des citations d’hommes et femmes politiques ou les rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux. « Cette approche a fait ses preuves en 2017 » souligne Laurent Bigot, enseignant-chercheur à l’Ecole Publique de Journalisme de Tours et spécialiste du fact-checking. « Des journalistes de médias bien différents se sont coordonnés pour recouper leurs informations lors de la campagne » explique-t-il.
FactcheckEU relancé pour les élections
Autre initiative : celle portée par le journaliste web Jules Darmanin. Ce dernier relance pour les européennes la plateforme FactcheckEU, plateforme apparue en 2014. Né de la conviction que des mécanismes de surveillance étaient nécessaires au-delà de l’échelle nationale, le dispositif a rassemblé différents médias qui ont scruté le débat politique en Europe. Avant que FactcheckEU ne s’éclipse de la toile en février 2016, les médias de différents pays de l’UE fournissaient des articles de fact-checking à la plateforme, qui les traduisait en plusieurs langues. Le site passait en revue des sujets d’actualité comme le rapport anti-corruption de la Commission Européenne de 2014, ou encore les rumeurs qui circulaient sur les réseaux sociaux. Par exemple la suivante, démentie par FactcheckEU : « 278 000 migrants en situation irrégulière ont atteint l’UE en 2014 dont 170 000 en Italie ». Dans sa nouvelle version, la plateforme hébergera des articles fournis par des médias venant de 13 pays européens et traduits en dix langues. « Nous avons aussi prévu un outil permettant aux internautes de poser leurs propres questions à nos équipes. Un peu comme ce que fait CheckNews de Libération ». Le journal figurera parmi les rédactions participant à FactcheckEU, aux côtés de l’AFP, 20 minutes, Le Monde et France 24.
Les étudiants se forment au fact-checking
Le fact-checking est apparu dans les médias français à la fin des années 2000 avec des rubriques de vérification d’informations. Les Observateurs de France 24 en 2007, Désintox pour Libération en 2008 ou encore Les Décodeurs pour Le Monde en 2009. Aujourd’hui, cette pratique s’est normalisée au sein des rédactions françaises et européennes. Même les écoles de journalisme se sont mises à la page. L’EJTA — association européenne des écoles de journalisme —regroupe et coordonne 12 écoles de journalisme autour de projets de fact checking. Elle vise à prévenir les tentatives de désinformation pendant la campagne des européennes. Le projet est porté en France par l’Institut Pratique du Journalisme de Paris Dauphine. Les équipes d’étudiants s’appuieront sur les méthodes de vérification des informations de l’EJTA et du manuel de l’UNESCO. Ils s’attacheront à désamorcer des rumeurs et à vérifier les déclarations faites par les politiques ou acteurs de la campagne dans l’espace public.
De son côté, la Commission tente de mobiliser les GAFA. Dans son rapport mensuel de février, elle estimait que Facebook, Google et Twitter ne faisaient pas assez d’efforts avant les élections européennes. Ces derniers, sommés de réagir, commencent à mettre en place des outils ou à soutenir certaines initiatives journalistiques.