Un 20h sur le web : le pari du Média
Augustine Peny
La polémique autour de la web-télé des « socios » lancée en janvier 2018 a surtout gravité autour des liens des journalistes avec la France insoumise. Ce qui a pu détourner un peu l’attention du fait que Le Média ait été le premier média en France à lancer un journal télévisé sur le web, diffusé en direct à 20h tous les soirs.
L’ancienne présentatrice du journal du Média, Aude Rossigneux, l’annonçait lors de la première diffusion le 15 janvier dernier : « le 20h s’est échappé de la télé ». En effet, le studio de tournage n’a rien à envier à ceux des grandes chaînes. Le plateau est épuré, éclairé et décoré subtilement. Visuellement, cela fonctionne. Comme à la télé, pendant trente minutes, un présentateur expose les sujets du jour, même si au Média, ils ont opté pour une présentation tournante. Un générique dynamique, un « bonsoir à tous et toutes », une annonce des titres: à peu de détails près, le journal du Média a copié les codes classiques du JT. Le psychanalyste et documentariste Gérard Miller, co-fondateur du Média précise : « On reprend des éléments de la forme et on change le fond. On s’est dit que l’aspect subversif serait d’autant plus fort en reprenant ces normes. »
Si l’on dépasse la forme, le journal du Média ne ressemble pas complètement aux journaux télévisés « traditionnels ». Les sujets abordés se concentrent la plupart du temps sur l’actualité sociale et politique. Le contenu se démarque en laissant une place importante à l’analyse. Pendant le journal, les chroniqueurs, deux ou trois par émission, se succèdent sur le plateau, au détriment de reportages et d’images de terrain.
Une concurrence face aux 20h des grandes chaînes ?
Si Le Média a choisi de diffuser son journal tous les soirs à 20h, c’est davantage pour s’aligner sur les codes des autres JT, que par réelle stratégie de compétition avec Anne-Sophie Lapix (France 2) et Gilles Bouleau (TF1). C’est ce que reconnaît Gérard Miller : « On ne peut pas être en concurrence avec les 20h de France 2 ou TF1 avec les moyens et les audiences qu’ils ont. Mais, au moins on est en frontal. D’ailleurs, on pourrait presque appeler notre journal, ‘l’émission d’en face’ »
On ne peut certes pas parler de réelle concurrence tant les audiences ne sont pas comparables. Quand à 20h, Le Média tourne autour de 10 000 à 15 000 visionneurs en direct sur Youtube, les JT de France 2 et TF1 cumulent à eux deux entre 10 et 12 millions de téléspectateurs. C’est 100 fois plus. Hervé Brusini, directeur en charge du numérique, de la stratégie et de la diversité au sein de la direction de l’information de France Télévisions évoque Le Média comme « un plus dans le champs démocratique ». Pour lui, « ce n’est pas une concurrence, c’est une voie ».
Comme les audiences, le budget des 20h de la télévision et de celui du Média, financé de manière participative par les « socios », ne sont pas non plus de la même échelle. Cela explique aussi certains ratés que la web-tv ne parvient toujours pas à régler au bout de deux mois de diffusion : des présentateurs hésitants, quelques bugs techniques de diffusion (notamment au niveau de la connexion du site), et le manque majeur d’images de terrain. Avec seulement treize journalistes, il est compliqué de produire un journal de la même envergure que les grandes chaînes qui eux peuvent s’appuyer sur des journalistes qui se comptent en centaine.
Choisir le web pour un 20h
A l’heure où le visionnage en replay connaît du succès, l’idée d’un 20h en direct sur le web peut paraître peu pertinente. Et pourtant, l’internet reste un moyen peu coûteux de fournir du contenu vidéo, et Le Média l’a bien compris. Son équipe ne souhaite d’ailleurs pas s’arrêter là, avec l’ambition, à long terme, de diffuser du contenu 24h/24h. Pour cela, il faudrait déjà réussir le pari sur le long terme de fournir un journal tous les soirs, « le navire amiral du Média » selon Gérard Miller.