Elections européennes : où sont les Datas ?

Mar 18, 2019 | Articles à la une / slider, Assises | 0 commentaires

A bientôt deux mois des élections européennes, le 26 mai prochain, il peut être parfois difficile pour les journalistes d’effectuer un travail de fond à partir de données brutes, sur les sujets européens. L’essentiel de l’aide proposée dans cette recherche de données provient d’acteurs comme les institutions européennes ou Google. Difficile de les ignorer, même si la prudence est de rigueur.

Samileï Hoarau

Dans un contexte de défiance envers les médias et envers les institutions, plusieurs acteurs cherchent à accompagner les journalistes dans leur travail de collecte et vérification de données. Pendant la dernière élection présidentielle en France, les services de Factchecking comme Crosscheck ont fait leurs preuves. Ils ont convaincu institutions et entreprises de s’engager davantage dans cette voie dans le cadre de la campagne des européennes.

 

Le stockage de données des institutions européennes 

 

Les institutions européennes comme la Commission ou le Parlement afficher volontiers leur volonté d’apporter leur aide matérielle ou financière aux journalistes qui cherchent à traiter et « factchecker » des sujets européens. Depuis longtemps déjà, elles produisent une grande quantité de données. Depuis 1948, tous les documents vidéo et papier des institutions européennes sont numérisées et à retrouver sur internet. Mais elles produisent aussi des données dans tous les pays de l’Union Européenne : des statistiques avec Eurostat, des sondages avec Eurobaromètre, ou des connaissances scientifiques avec le réseau « Team Europe ».

 

Pour Agnès Wojciechowicz, attachée de presse du Parlement européen en France, « l’objectif est de lutter contre les idées reçues en apportant des arguments chiffrés et factuels que seuls les journalistes peuvent relayer efficacement. Parce que nous les Fake news on les vit depuis des dizaines d’années. » En effet, le taux d’abstention élevé aux élections européennes (près de 57% pour 2014 dans toute l’Union européenne) et le discours euro-sceptique de certaines personnalités politiques ont montré la méfiance des citoyens européens envers les institutions. Que des journalistes utilisent ces données, aux yeux des institutions européennes, permettrait potentiellement d’améliorer ce taux de confiance envers l’UE. Mais elles sont toutes « vérifiables et à vérifier par les journalistes », affirme Benoit Sapin de la Commission européenne.

Les outils que proposent la Commission européenne et le Parlement européen:

Vers une collaboration entre les journalistes et Google ?

Les Fake news sont donc vues comme un vrai danger dans le cadre des élections, et internet comme premier lieu de propagation de la désinformation. D’autant plus quand il s’agit d’élections qui ont lieu dans 27 pays à la fois. C’est ce que qui a poussé la Commission à tenter de mobiliser Google, Facebook et Twitter. Dans son rapport mensuel de février, elle reprochait à ces derniers de ne pas faire assez d’efforts dans le cadre des élections européennes pour lutter contre la désinformation. Ils ont été sommés de réagir, et Google a été le premier à essayer de montrer patte blanche : depuis, il aurait revu son algorithme, et il organise de nombreux ateliers avec des journalistes à travers le monde via le Google lab, dans le but de les former à une meilleure utilisation de Google.

C’est la raison pour laquelle David Dieudonné, de Google lab France, était aussi présent lors des Assises du journalisme à Tours. L’objectif, pour l’entreprise, est de montrer combien le moteur de recherche n’est pas seulement un diffuseur de fausses informations, ou un frein pour la visibilité des articles journalistiques mais surtout un allié pour les professionnels du journalisme. Lors de ces ateliers, Google explique aux journalistes que leurs contenus seront à l’avenir mieux référencés sur Google Actu, parce que vérifiés. Et il décortique tous les outils préexistants et l’utilisation que les journalistes peuvent en faire. Google advanded pour affiner ses recherches, Google Public data center ou Google data search pour récupérer des données plus efficacement, Google Trends pour observer les occurrences de tel ou tel terme dans la recherche des internautes…  S’il est reproché à la plateforme de vouloir avant tout redorer son blason, David Dieudonné estime qu’il fallait que Google prenne ses responsabilités : « Les Fake news sont une nuisance, voire mettent en danger notre plateforme. Donc on veut agir pour offrir un contenu de qualité. » Mais cette collaboration avec de nombreuses rédactions peut laisser perplexe sur les véritables intentions du géant d’internet : former des journalistes aux utilisations avancées de Google ne peut-il pas être un très bon moyen de les rendre dépendants de la plate-forme ?

 

Comment trouver des données ailleurs ?

A d’autres niveaux, des journalistes essaient de se procurer autrement les données dont ils ont besoin pour traiter des sujets européens. Certains se regroupent et collaborent pour collecter les données plus massivement. Mais ils peuvent aussi se tourner vers le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) ou des collectivités territoriales quand il s’agit d’illustrations locales, comme le fait notamment Rue89 Strasbourg. « Parfois les universités sont mêmes de meilleurs interlocuteurs parce qu’il n’y a pas de message politique dans leurs travaux, et ce sont des recherches très poussées. On ne saisit pas le potentiel des sources universitaires ! » déplore Pierre France de Rue89 Strasbourg.

Il avoue cependant trouver l’essentiel de ses sources et données européennes via sa correspondante au Parlement européen à Bruxelles. Mais peu de rédactions ont les moyens ou la volonté d’y envoyer un ou une journaliste. Selon Laurence Aubron, journaliste à Euradio Nantes, « sur 35 000 cartes de presse en France, on a seulement 36 journalistes français accrédités au parlement européen. ». Si institutions européennes et mastodontes du web semblent décidés à collaborer avec les journalistes, pour des raisons très différentes, tout reste néanmoins à faire sur le terrain.