Les Data, atout économique pour les rédactions ?
Dans un monde où le numérique est partout, il est aujourd’hui très facile d’obtenir en ligne toutes sortes de données. Des informations parfois précieuses peuvent en émerger, mais pour cela elles doivent être traitées de manière appropriée. Un journaliste capable de les analyser peut en effet révéler des faits importants. Un possible atout financier pour les entreprises de presse, donc, qui misent sur ces données pour susciter des abonnements.
Astrid Bergere
“Luxembourg Leaks”, “Panama Papers”, “Paradise Papers”, “Implant Files”, ces affaires ont été révélées au cours des six dernières années, en partie grâce à des données. Celles-ci peuvent parvenir aux rédactions suite à des fuites internes ou après un important travail d’investigation de la part des journalistes.
Données facilement accessibles
Des directives européennes, transposées depuis 2005 dans le droit français, obligent les pouvoirs publics à rendre accessibles certaines informations à leurs administrés. La Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), créée en 1978 « est chargée de veiller au respect de la liberté d’accès aux documents administratifs et aux archives publiques ». Elle est aussi amenée à surveiller la réutilisation des informations publiques. En pratique, lorsqu’une demande lui est faite par des journalistes, « les délais sont très longs et les résultats pas toujours satisfaisants », regrette Edouard Perrin, journaliste à l’agence Premières Lignes.
Les renseignements obtenus par une source d’information publique – journaux, internet, livres, magazines scientifiques – sont aussi très précieux. Avec l’expansion du réseau internet et l’utilisation des réseaux sociaux par les citoyens, ces données sont de plus en plus nombreuses et accessibles.
Un travail de vérification plus rapide
Dès lors qu’ils obtiennent des données, les journalistes ont devant eux un premier travail de vérification. Sandrine Sawadogo, journaliste d’investigation à l’Économiste du Faso , explique comment elle a dû travailler pour les “West Africa Leaks” : “Dans l’investigation, utiliser des données, c’est un travail à l’envers. On se retrouve avec des millions de documents en plusieurs langues. Il faut les éplucher, les traduire un par un. Ça m’a pris cinq mois.”. Mais ces dernières années, des dispositifs permettant un premier tri semi-automatique des données sont apparus, faisant gagner beaucoup de temps aux journalistes.
En plus des outils à leur disposition, l’expérience des datajournalistes commence à payer. La rentabilité se construit ainsi sur un temps long, d’autant plus que, les années passant, davantage de bases de données voient le jour, et des routines de traitement émergent chez leurs utilisateurs. “On va de plus en plus vite. Les affaires qui sont déjà sorties nous inspirent. Si quelqu’un a fait une erreur dans un ancien dossier, on évite de la faire”, s’enthousiasme Karen Bastien, cofondatrice de l’agence de data-visualisation WeDoData.
Cette plus-value journalistique plaît aux internautes qui, selon Karen Bastien, « vont, pour certains, passer à un abonnement premium après avoir consulté un article data ». Ce nouveau genre journalistique, qui fait parfois l’objet d’investissements importants dans certaines rédactions, pourrait donc rapidement s’avérer payant.