Accès à l’information chez les personnes handicapées : la place du web
Comment s’informer sans les yeux ni la perception du moindre son ? En France, parmi les 12 millions de personnes handicapées, 6,7 sont concernées par une déficience sensorielle. Une perception de l’information différente mais un accès aux médias facilité par internet.
« 60 % des sourds n’ont pas accès à l’information », indique Noémie Churlet, directrice de publication de Média’Pi. Et à ce manque d’information viennent s’ajouter parfois de mauvaises traductions en langue des signes. Le web offre cependant des outils pour rendre l’actualité plus accessible aussi bien pour les sourds que pour les aveugles.
Accessibilité croissante
« Internet est une source d’information phénoménale pour les aveugles au point que je ne sais pas si j’aurais pu faire ce métier aussi facilement sans », estime Sophie Massieu, journaliste non-voyante. Diplômée en 2000 par le Centre de Formation des Journalistes, elle est la réalisatrice de documentaires pour l’émission Dans tes yeux sur Arte. Grâce aux lecteurs d’écran, des logiciels qui lisent à voix haute ce qui écrit à l’écran, le web permet l’accès aux contenus des journaux papiers pour les handicapés visuels. « Les seuls problèmes que nous pouvons avoir sur le web concernent l’écrit, mais il y a d’autres formats comme les podcasts, les replays et là pour le coup on est sur un pied d’égalité avec tout le monde ! », sourit Sophie Massieu.
L’accès à l’information est cependant plus compliqué pour les personnes atteintes de surdité. Crée en 2017, la plateforme numérique Média’Pi vise justement à la rendre plus accessible aux sourds. Il s’agit de l’un des rares médias qui diffusent l’actualité en langue des signes et avec des sous-titrages en français. Cette offre connaît un certain succès : « nous sommes déjà à 2500 abonnés », se félicite Noémie Churlet lors de sa présentation aux Assises du Journalisme à Tours. Il s’agit d’un outil essentiel quand on sait que les personnes sourdes sont tout particulièrement touchées par l’illettrisme. « Leur langue maternelle, ce n’est pas le français c’est la langue des signes », indique Sophie Massieu.
Des progrès sont encore à faire
« Les journaux ont parfois le mauvais goût de mettre à disposition leur version numérique en .pdf », regrette Sophie Massieu. La journaliste souhaiterait lire les actualités telles qu’elles sont présentées dans la maquette des versions papiers afin de prendre note de leur hiérarchisation, indispensable pour le travail journalistique. Le format PDF, proposé par Le Monde et Libération à leurs abonnés, ne permet pas l’authentification des caractères et de ce fait empêche la lecture d’écran : « Je ne vois plus rien hormis le numéro de la page. J’arrive même pas à aller sur la page suivante, je reste bloquée sur la première page. J’ai envoyé des mails à plusieurs rédactions mais je n’ai pas eu de réponse ». Certaines applications peuvent être de bonnes alternatives, comme celle de La Matinale du Monde. Elle donne accès à un flux direct d’information et permet de s’abonner à certains sujets. « Il y a encore du progrès à faire, mais comme quand on représente une minorité, il est compliqué de faire du lobbying ».