Presse clandestine, imprimerie mobile ou radio pirate… À travers l’histoire, les journalistes ont toujours su trouver des moyens d’atteindre leurs audiences malgré les censures imposées par les Etats. À notre époque, où les technologies ont évolué et sont présentes partout dans notre quotidien, les pays qui s’attaquent à la presse ont eux aussi de nouvelles armes de censure. Les journalistes doivent alors trouver de nouvelles méthodes pour se faire voir par ceux qui en ont le plus besoin.

Les manifestations de 2020-2021 en Biélorussie ont eu lieu avant la réélections du président Alexandre Loukachenko,
au pouvoir depuis 1994. (CC)

En Biélorussie, Alexandre Loukachenko, surnommé « le dernier dictateur d’Europe », redouble d’efforts pour censurer la presse indépendante. Tout comme son voisin russe, il a effectué une vague de répression médiatique en 2021 en créant un label « média extrémiste ». Parmi ces sites, Zerkalo.io, successeur de Tut.by, lui-même déjà fermé par le gouvernement. Après son lancement, il n’a fallu qu’une heure avant que le rideau de fer numérique ne s’abatte sur le site.

À l’abri des réseaux

Parmi les méthodes employées pour continuer à atteindre le public biélorusse, le média a recours aux réseaux sociaux tels que YouTube, Instagram TikTok. Lorsque l’équipe de Zekalo.io est partie en exil dans les pays voisins, ils ont trouvé cette solution qui peut sembler simple au premier abord, mais qui s’est avérée être d’une efficacité redoutable.

Grâce aux algorithmes de TikTok, le média est très souvent proposé aux utilisateurs biélorusses de l’application. Cela leur a permis d’atteindre plus de 210 000 abonnés et onze millions de j’aime. Un score impressionnant pour un pays de moins de 9 600 000 habitants. C’est également un moyen économe puisque les journalistes réutilisent les vidéos de leur chaîne YouTube.

@zerkalo.io

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En plus des recommandations de l’application, c’est aussi un moyen imparable de ne pas se voir fermer leurs pages. Si le gouvernement de Loukachenko veut empêcher l’accès à un seul compte sur TikTok ou Instagram, il doit bloquer l’ensemble des sites. Or, les réseaux servent aussi de relais de propagande pour le gouvernement, où, pour le cas de TikTok, la Biélorussie partage de bonnes relations diplomatiques avec la Chine. L’espace des réseaux sociaux reste donc un moyen d’accéder à leurs audiences.

Des outils miroir

Néanmoins, la menace d’un blocage ciblé reste en suspens. Selon Nasta Rouda, directrice de Nasha Niva, un autre média indépendant biélorusse : « Les autorités russe et biélorusse auront peut-être bientôt les moyens de faire un blocage ciblé sur YouTube. » C’est pour cette raison que Zerkal.io passe par d’autres moyens afin de sécuriser l’accès à leur site internet : les liens miroirs.

Le système consiste à créer des copies exactes ou partielles d’un site web sur plusieurs serveurs ou domaines différents. Ces copies sont mises à jour régulièrement pour refléter les changements sur le site original. Lorsqu’un site web est censuré ou bloqué dans une région donnée, les utilisateurs peuvent contourner cette censure en accédant au site via l’un de ses liens miroir.

Alexandra Pushkina, directrice de Zerkal.io, pousse la technique plus loin : « Nous passons par un système de miroir via les serveurs de Google. » En effet, Google propose au média de stocker sur leur serveur, leur permettant de générer des liens miroir non censurable par le gouvernement sans bloquer l’intégralité des services de Google.

Les VPN (outils permettant de modifier son adresse IP et ainsi de pouvoir accéder à des sites bloqués dans une certaine région géographique) n’étant pas courant en Biélorussie, cette technique permet aux lecteurs de pouvoir continuer à accéder au site web principal géré par Alexandra Pushkina. Une solution qui a fait ses preuves, les pages de Zerkalo.io ont été vues en moyenne 44,5 millions de fois par mois sur l’année 2023.