Comment couvrir le changement climatique ? Comment réveiller les consciences à ce sujet ? Depuis 2022, avec la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique, les pratiques médiatiques sont en mutation. Ces changements sont au cœur du rendez-vous annuel des Assises du journalisme consacré aux liens entre les enjeux climatiques et la presse.
« Qui dans la salle est convaincu que le dérèglement climatique est d’origine humaine ? », sonde Jean Sauvignon, responsable du baromètre de Quota Climat. Cette question introductive n’est pas anodine. Quasiment l’ensemble des spectateurs lèvent la main. « C’est étonnant, quand on sait que 37% des Français sont climatosceptiques. Les médias ont un rôle dans cette statistique, mais certains médias et journalistes s’engagent pour mieux aborder l’urgence climatique. »
En 2020, une étude menée par des chercheurs de l’université de Lausanne a pointé du doigt le traitement inadapté du changement climatique, qui peut contribuer à renforcer l’inaction. Modifier les pratiques journalistiques pour mieux aborder la thématique est désormais un enjeu central de la profession. Les chartes signées par les médias ou créées au sein des rédactions ont ainsi proposé des pistes de changements à opérer.
Une approche systémique du changement climatique
Le changement climatique est une thématique à part entière, qui irrigue cependant d’autres domaines de la vie quotidienne. « On ajoute le prisme du dérèglement climatique dans beaucoup de nos sujets », expose Christelle Chiroux, directrice déléguée de la Fondation TF1. Économie, politique, société, agriculture, culture … Ces rubriques peuvent être abordées avec un éclairage environnemental.
Les journalistes peuvent considérer l’environnement comme un sujet indépendant, ou prendre le parti de questionner les enjeux climatiques de manière transversale. Pour Virginie Enée, journaliste à Ouest France, les occasions sont récurrentes : « On peut parler de l’impact carbone d’un événement culturel, du poids de l’industrie textile, ou encore du bilan carbone du secteur aérien quand on parle d’une entreprise dans la rubrique Économie. »
« On se place du côté du consensus scientifique »
Au-delà de la quantité d’informations consacrée au changement climatique, la qualité de ces informations est essentielle. Pour ne pas noyer le spectateur et retenir son attention, Christelle Chiroux conseille de « ne pas faire 50 000 sujets, mais un bien réalisé avec de l’innovation et de la pédagogie, comme notre sujet à l’occasion de la COP à Dubaï ». L’émission de TF1 en question, « Pourquoi le climat se réchauffe ? Tout comprendre en 6 minutes », aurait ainsi rencontré un franc succès.
Épisodes de froid en hiver, quelques jours de pluie en été : les variations météorologiques font le lit des thèses climatosceptiques. Face à cela, certains journalistes comme Virginie Enée soulignent la nécessité de s’aligner sur le consensus scientifique, « tout en préservant le contradictoire ». L’enjeu ? « Ne pas laisser place aux propos climatosceptiques, car la rectificaton a peu d’impact sur les opinions une fois que la fausse information est diffusée », alerte Jean Sauvignon. Pour Laurie Debove, rédactrice en chef de La Relève et la peste, donner la parole à des climatosceptiques transmet un message « confus et incohérent » au public.
Pour passer à l’action : parler solutions
La couverture médiatique du changement climatique est indéniablement en augmentation (voir l’infographie ci-dessous). Mais elle reste le plus souvent concentrée sur les conséquences de celui-ci, parfois même en oubliant de corréler les phénomènes extrêmes au réchauffement. Pour preuve, les photos de plage illustrant la canicule à Rio ce mois-ci, ou celle de l’été 2023.
Pour le responsable du baromètre de Quota Climat, il faut également aborder les solutions pour lutter contre le réchauffement climatique : « La peur permet de catalyser le passage à l’action, mais uniquement quand on connaît les solutions… Des solutions efficaces, pas celles technologiques qui ont un impact marginal ! » Selon une étude de Reporters d’espoirs, en 2020, 53% des Français considéraient que le sujet du réchauffement climatique était mal traité.
Emma Théobald