La folie des podcasts : émergence d’un nouveau modèle économique.
En France, depuis cinq ans, les podcasts, formats audio à télécharger, fleurissent dans le paysage médiatique. Amateurs ou professionnels, des journalistes s’emparent de ce nouveau marché. Mais qui dit nouveau marché dit nouveau modèle économique. Alors comment financer et rentabiliser les podcasts ?
Claire Guédon
Aux Assises de journalisme, à Tours, des journalistes se sont réunis pour discuter de la relation entre la presse écrite et les podcasts natifs, ceux que l’on voit émerger partout sur internet depuis quelques années. A l’origine, ces formats n’étaient que des rediffusions d’émissions de radio. Mais en 2014, la journaliste américaine Sarah Koenig sort une série d’épisodes audio qui retracent un fait divers : le meurtre de l’adolescente Hae Min Lee en 1999. Ce nouveau format fait un carton, et plus de 3 millions de personnes téléchargent ces épisodes toutes les semaines, sans payer quoi que ce soit. Mais Sarah Koenig n’a pas travaillé gratuitement. Elle a décidé de ne pas faire payer ses auditeurs et de se faire financer autrement : elle est sponsorisée par une entreprise de boîtes mails en ligne.
De la publicité intégrée à l’écoute
Le principe du sponsoring est aussi celui choisi par plusieurs rédactions de podcasts natifs. Dans les podcasts de Binge Audio (lien), les journalistes annoncent une pub avant chaque épisode. Un modèle rentable et « peu intrusif » pour Joël Ronez, le cofondateur : « les auditeurs ne se sentent pas utilisés, ils entendent leur journaliste favori parler d’une marque, cela leur parait naturel. Si c’est mal fait, les gens utiliseront des ad block audio ». Un modèle économique assez rentable et efficace – Binge Audio est financé à 25% par la pub – mais insuffisant. « Le reste de nos revenus vient d’activités parallèles », ajoute Joël Ronez. Binge Audio fait beaucoup de co-productions et collabore avec d’autres entreprises, un moyen de garder des revenus stables en restant indépendant pour la réalisation des podcasts. Ce modèle économique est même repris par Radio France : depuis 2016, la pub est intégrée aux replays des émissions de plus de cinq minutes. Une nouveauté qui leur a permis d’engranger 200 000 euros supplémentaires.
Chez Ouest France, qui est en train de se lancer dans le format podcast, on se tourne plutôt vers les régies publicitaires. Édouard Reiscarona, rédacteur en chef délégué au numérique et à l’innovation, se félicite : « les régies des grandes radios sont curieuses, elles viennent vers nous assez facilement ».
Des modèles d’affaires instables
À la Nouvelle République, qui va bientôt sortir une série de podcasts sur les élections européennes, on pense à proposer ces formats uniquement aux abonnés du journal. Cette formule, si elle peut permettre à terme d’engranger des abonnements, ne permet toutefois pas, à court terme, de couvrir les importants coûts de production des podcasts.
Autre solution, faire payer directement les auditeurs. BoxSons, le premier studio de podcast payant, s’y est essayé en 2017. Mais l’entreprise n’a pas réussi à trouver un modèle économique assez stable pour s’en sortir et a dû fermer en 2018. Les auditeurs ne seraient donc pas prêts à payer pour écouter des podcasts ? Ce n’est pas l’avis de tout le monde. Mathieu Gallet prépare depuis plusieurs mois le lancement de Majelan, une plateforme d’écoute avec un accès payant qui permettra de découvrir du contenu exclusif. Surnommée le « Netflix du podcast », la plateforme va servir d’expérimentation pour le monde du podcast, qui cherche encore à stabiliser son modèle économique.