Les SLAPP pour réduire les journalistes au silence sans se salir les mains
Moins spectaculaires que les violences physiques, et encore peu connues, les SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation) sont pourtant très efficaces pour réduire au silence les journalistes qui dérangent les grands intérêts privés. Cet acronyme, traduit par « poursuites stratégiques contre la mobilisation publique », désigne des pratiques de harcèlement judiciaire intentées par de puissants cabinets d’avocats pour intimider, entraver, réduire au silence, voire détruire – financièrement ou socialement – des journalistes. Pour autant, cela se passe rarement devant les tribunaux ou la justice, l’accumulation de procédures étant sa propre finalité par les coûts financiers, matériels et humains qu’elle exige des accusé.es. La situation est suffisamment alarmante pour que 85 ONG signent une tribune dans Le Monde (01.12.20) dénonçant les SLAPP, « des moyens bien moins barbares de réduire quelqu’un au silence qu’une voiture piégée ou une balle dans la tête, mais leur effet d’étouffement est souvent tout aussi destructeur. » Les exemples ne manquent pas et sont parlants, à l’image de la manière dont l’entreprise de Vincent Bolloré entrave les enquêtes portant sur ses intérêts en Afrique, ou encore des affaires qui ont mené, en 2017, à l’assassinat de la journaliste maltaise Daphnée Caruana. Reste à savoir si l’Union Européenne aura le courage de s’engager pour protéger la liberté d’expression, les possibilités d’enquêtes indépendantes et les valeurs démocratiques qu’elle prétend défendre.