La presse quotidienne régionale en mutations
LOC'H Alexandre
La presse quotidienne régionale voit depuis peu une diminution de ses ventes. L’un des enjeux : son développement sur le web et les réseaux sociaux. Avec un lectorat vieillissant, comment inciter un public plus jeune à ne pas se diriger tout entier sur le web, et sans boussole, et à s’intéresser à la diffusion en ligne des titres papier ? Aux 11èmes Assises du Journalisme de Tours, un panel de médias a creusé la question.
Avec près de 3,6 millions d’exemplaires vendus quotidiennement, la presse régionale n’est pas en crise. Mais le développement d’internet bouleverse l’accès à l’information, et le fragile équilibre du papier pourrait à terme, être perdu. Première raison d’un désamour qui se développe entre les français et la presse : l’argent. En effet, le contenu présent sur les réseaux sociaux est gratuit et permet d’être relativement informé. Pour preuve, on recense 9,4 millions de visites numériques par jour. Guillaume Lecointre, directeur des études marketing du groupe Rossel La Voix, déclare à ce sujet : « On trouve de l’information illimitée sur le web, pourquoi payer, en plus, une version papier pour le même contenu ? ». Pour les intervenants de l’atelier, c’est avant tout une question de contenu. « Il faut proposer du contenu novateur dans nos publications, que ce soit l’image ou le texte, nous devons casser des codes qui sont trop prévisibles pour notre lectorat », souligne Guillaume Lecointre.
Donner de la forme au fond
Géraldine Baehr, rédactrice en chef déléguée à L’Union, Flora Chauvau, rédactrice chargé du web à Ouest France Quimper, et Emmanuelle Pavillon, directrice départementale de La Nouvelle République en Indre-et-Loire s’accordent pour dire qu’il faut que la presse quotidienne régionale se mette à la page. Il faudrait renouveler le journalisme de proximité, dans son contenu comme dans la forme.
Géraldine Baehr, de L’Union, propose de réinventer la presse quotidienne régionale avec du contenu qu’elle souhaite traité différemment. Elle donne l’exemple de certains sujets parus dans son journal, comme un hit-parade des chansons diffusées dans les crématoriums. Alors que ce sujet peut paraître de mauvais goût pour un lectorat âgé, elle assure que c’est le moyen de « donner goût et intérêt pour ce genre de sujet à un autre public ». Est-ce une solution pérenne ? Pas forcément pour Flora Chauvau, rédactrice chargé du web à Ouest France Quimper : « Ici j’entends parfois des jeunes dire qu’ils lisent Côté Quimper, le gratuit au format un peu plus punchy que Ouest France. Pour moi, ce n’est pas durable car les attentes des générations évoluent vite ».
Emmanuelle Pavillon, directrice départementale de La Nouvelle République en Indre-et-Loire, considère l’investigation comme un nouveau moteur pour la presse. Selon elle, même dans des secteurs très ruraux où certains imaginent qu’il ne se passe pas grand chose, il existe une mine d’or d’informations et d’enquêtes possibles sur la vie des gens et de leur quotidien. Aller plus loin dans la recherche d’informations, dénoterait avec le « journalisme de service » qu’elle critique, l’estimant « trop représenté et d’intérêt minime ». Flora Chauvau nuance le propos, assurant que le journalisme de service est « utile ». Cependant, elle considère aussi que l’investigation est la solution idéale aux maux de la presse écrite : « Ça prouve au lecteur la plus-value d’une information produite par des journalistes professionnels, c’est aussi ce que les gens attendent des médias. Bien vendue, une enquête peut davantage conduire le lecteur à payer ».
Faire évoluer les habitudes de consommation
Si l’ensemble des représentants s’accordent pour évoquer l’importance d’internet pour le futur de la presse, ils estiment aussi qu’il ne doit pas totalement éclipser le papier. Emmanuelle Pavillon, souhaite qu’une information puisse évoluer sur différents formats, comme « faire naitre sur papier et proposer de nombreux contenus multimédias sur internet pour mettre l’information en valeur ».
Céline Bardy, directrice départementale de Ouest France Vendée, pense quant à elle qu’il faudrait changer les habitudes des lecteurs et que cela ne devrait pas être si compliqué. Même les personnes âgées, habituées de certains contenus, peuvent trouver une nouvelle manière de consommer l’information. Elle prend pour preuve l’utilisation croissante de smartphone ou de tablette par les seniors. Pour Flora Chauvau, l’information du futur s’installera au bout de nos doigts : « Adapter le plus possible notre contenu à la lecture sur smartphone, c’est la pratique qui est en plein boom. Un format où l’on explore en faisant défiler au doigt. Et à terme on peut imaginer la consultation de l’actu via une interface de type Siri où tu demandes « Quoi de neuf à Quimper » et une voix donnerait les principaux titres ! ».
Adapter le contenu à un public plus large, s’installer sur le numérique sans négliger le papier ou encore aller plus loin dans les enquêtes, voilà les idées qui sont explorées. L’avenir nous dira lesquelles pourront définitivement s’installer et renouveler l’information régionale dans le quotidien des français.